La journée de 6 heures : une idée réaliste?


Dans le monde professionnel où j’ai toujours évolué, la journée de travail ne contient jamais moins de huit heures et la semaine typique dure cinq jours. Un total de quarante longues heures. C’est un standard que l’on remet peu en question — si peu qu’en devenant travailleuse autonome il y a trois ans, je me suis systématiquement astreinte au même horaire. Mais de plus en plus de gens, dont la première ministre finlandaise Sanna Marin, font la promotion d’une nouvelle norme : la journée de six heures.

Trouver son flow

La journée de huit heures est une idée qui remonte à la Révolution industrielle. À l’époque, c’était une avancée, puisqu’elle visait à protéger les travailleurs de l’exploitation (on les forçait souvent à travailler jusqu’à seize heures d’affilée). Mais les choses ont bien changé depuis, et la nature de nos tâches également. Aujourd’hui, une majorité d’entre nous avons à accomplir un travail qui nécessite de la réflexion, de la résolution de problème et de la créativité. Et dans un tel type d’ouvrage, la qualité des heures travaillées compte beaucoup plus que la quantité. Pour être productif dans de telles tâches, il faut atteindre un état de… flow. Hé oui! Défini par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi, ce concept correspond à « l’état mental atteint par une personne lorsqu’elle est complètement plongée dans une activité et qu’elle se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. »

En mode flow, notre productivité peut s’accroître colossalement. Une étude McKinsey réalisée sur dix ans a révélé que les cadres supérieurs sont jusqu’à 500 % plus productifs lorsqu’ils sont en état de flow. Mais pour atteindre cet état, d’abord faut-il opérer certains changements à nos habitudes de travail.

Dire adieu aux distractions

Pour créer une journée de six heures aussi productive que celle de huit heures, des transformations doivent être apportées au fonctionnement que l’on retrouve dans bon nombre d’entreprises. Bien souvent, les technologies qui nous rendent plus efficaces si on les utilise judicieusement sont également nos pires ennemies, parce qu’elles nous déconcentrent. Notre disponibilité totale aux courriels, aux plateformes de clavardage, aux appels et aux notifications sur nos téléphones est une nuisance extrême à la productivité. Chaque fois que nous interrompons notre travail pour répondre à l’une de ces sollicitations, nous sortons de notre flow. Les minutes perdues s’accumulent et peuvent facilement totaliser des heures à la fin d’une journée. L’idéal est de fermer toutes ces sources de distraction et de les consulter uniquement à des moments précis. Par exemple, plutôt que de répondre aux courriels à mesure qu’ils entrent, on choisira de répondre aux courriels du matin d’un bloc, et même chose pour ceux de l’après-midi.

Les bureaux ouverts, bien que sympathiques, causent également des torts à la productivité. Les collègues qui s’interrompent à qui mieux mieux, ça peut mettre de l’ambiance par moment, mais quand on dépasse un certain nombre de personnes, ça peut aussi devenir cacophonique. Sans avoir à réinvestir massivement pour donner à chacun un bureau fermé, certaines compagnies instaurent des règles pour pallier ce problème. Ça peut être aussi simple que de s’entendre avec ses collègues sur le principe qu’une personne qui porte ses écouteurs souhaite indiquer qu’elle est dans sa bulle (et désire le rester).

Enfin, un dernier fléau des temps modernes : les réunions excessives. Ne vous méprenez pas, je n’affirme pas que toutes les réunions sont inutiles, au contraire, elles sont parfois nécessaires. Mais quand un agenda est déjà rempli à 75 % de rencontres avant même le début de la semaine, il y a certes un problème. Alors, avant d’envoyer une prochaine invitation, posez-vous ces questions : une heure complète, n’est-ce pas beaucoup trop de temps? Toutes ces personnes doivent-elles vraiment être de la partie? Et finalement, est-ce qu’on pourrait résumer tout ça en un petit courriel?

Peut-être qu’au final, si on fait tout ça, on arrivera à abattre plus de travail en six heures qu’on en livre normalement en huit. En tout cas, moi, j’y crois. Et dix heures de plus par semaine à dormir, lire, faire du sport, voir des amis ou visiter sa grand-mère, ça ne pourrait qu’être bénéfique à chacun de nous.