"Participer à la flexibilité du travail au Québec” - Entrevue avec Geneviève Provencher


Cette année, le monde n’aura jamais autant parlé de flexibilité. Les contraintes imposées par la pandémie ont obligé chacun à réinventer ses habitudes au travail comme à la maison pour garder le cap de la productivité tout en prenant soin de sa santé, de ses impératifs personnels et familiaux. Et pour que ça marche, les entreprises comme les talents ont réalisé qu’on avait tous un grand besoin de flexibilité ! Ce sujet, Geneviève Provencher le connaît très bien. En 2019, elle a fondé Flow pour permettre aux employeurs et aux candidats de se rencontrer pour mieux travailler ensemble. Avant la pandémie, elle n’aurait pu imaginer que les mentalités autour de ce sujet évolueraient si vite. 

 La fondatrice de Flow nous partage donc son expérience et ses constats qui lui ont permis de comprendre, un peu avant l’heure, que l’avenir du travail serait flexible. 

1- Comment as-tu vu évoluer la flexibilité au cours des dix dernières années ? 

Tout a commencé alors que je travaillais en ressources humaines dans une grande entreprise, nous étions en 2010. À l’époque, on commençait doucement à parler de télétravail mais c’était plutôt mentionné comme de la conciliation travail-famille. C’était un avantage entièrement laissé à la discrétion du gestionnaire et encore pas mal laborieux car on devait se connecter à un VPN. Malheureusement, le projet pilote de mesures flexibles sur lequel je travaillais a été rejeté et j’ai eu une sacrée douche froide. Avec le recul, je pense que nous étions encore trop en avance sur notre temps ! 

Plus tard, dans les années 2014-2015, le discours autour de la flexibilité au travail s’est intensifié : la pénurie de main d’œuvre commençait tout juste à se faire sentir et de plus en plus d’entreprises de tech à la mode ont commencé à rivaliser d’inventivité pour attirer les talents avec des environnements de travail cool. Néanmoins, le télétravail et la flexibilité suscitaient encore beaucoup de doutes et de craintes auprès des employeurs qui n’étaient pas encore prêts à accorder cette liberté et cette confiance aux équipes à distance. 

Aujourd’hui, nous avons fait d’immenses progrès ! La pandémie actuelle a marqué un vrai tournant accélérateur puisqu’il y a un véritable retour vers l’humain. Les entreprises et gestionnaires ont développé un nouveau regard qui leur permet de voir leurs talents non plus comme des employés qui produisent, mais comme des êtres humains qui ont différentes obligations, ambitions et envies. Avec le télétravail et les réunions en vidéoconférence, chacun a pu se voir dans la sphère privée et cela nous a aidé à réduire la barrière travail-vie personnelle. On a enlevé l’idée, plus froide, des relations professionnelles et on leur a donné plus d’humanité.

De très nombreuses entreprises et employés ont réalisé que la flexibilité était le seul chemin possible pour avancer ensemble et aujourd’hui, elles souhaitent faire avec cette nouvelle réalité ! 

2 – Comment as-tu compris que la flexibilité allait devenir essentielle dans le monde du travail actuel ? 

Si j’ai compris que la flexibilité allait devenir nécessaire, c’est d’abord par mon expérience personnelle. Il y a une dizaine d’années, j’avais tout ce qu’il fallait – en principe – pour me sentir bien dans mon travail : un poste attractif de généraliste RH dans une belle entreprise, une rémunération et des avantages sociaux très satisfaisants. Et pourtant, je n’arrivais pas à trouver ma place dans cet environnement, j’avais de la misère à me projeter dans les prochaines étapes de ma carrière. Autour de moi, je voyais aussi beaucoup de personnes partir en congés maladie, qui souffraient de la pression sociale de la performance au travail. 

Je n’étais pas inspirée par le modèle dans lequel je vivais et approchant la trentaine, j’avais aussi beaucoup de questionnements sur moi-même et mes choix de vie. Je songeais par exemple que je voulais des enfants mais cela m’a paru inconciliable avec mon travail, cela représentait trop de stress. 

J’ai donc pris une grande décision : celle de quitter graduellement le monde corporatif pour reprendre des études en… littérature ! Entre-temps, je suis devenue maman de deux enfants et j’ai commencé à pratiquer très régulièrement le yoga. Ces deux événements m’ont permis d’avoir un déclic. J’ai compris que je ne voulais plus retourner dans un travail lambda car les autres aspects de ma vie en pâtiraient forcément : mon couple, mes enfants, ma vie sociale avec les amis, ma santé mentale, etc. J’ai également réalisé que la vie était comme l’une de mes séances de yoga, c’est-à-dire en perpétuel mouvement. Il n’est pas possible de passer d’une sphère à l’autre de manière complètement indépendante en endossant des rôles différents à chaque heure. Notre personnalité et nos compétences s’entremêlent forcément entre notre vie professionnelle et notre vie privée. J’ai donc compris par simple logique que l’équation ne pouvait pas fonctionner ainsi.  

Alors que j’allais à l’encontre du parcours professionnel classique, la flexibilité est devenue à mes yeux la solution indispensable.

Je n’en démordais pas. J’ai donc regardé ce qui existait en termes d’emplois flexibles notamment à New-York où je vivais à l’époque, et j’ai décidé d’implanter ça au Québec. Voici comment Flow est officiellement né à la fin de l’année 2018 à Montréal.

3 – Quel rôle souhaites-tu donner à ton organisation ? 

La mission de Flow, c’est de donner accès à toutes et à tous à la flexibilité. Depuis 2019, on travaille à rassembler tous les employeurs flexibles afin qu’on puisse les retrouver sur une même plateforme (avec tous les types d’emplois flexibles, à temps partiel ou complet). Lorsque nous affichons des emplois flexibles, je me demande par exemple toujours si une mère de famille pourrait être heureuse avec ça, c’est un bon indicateur. 

 Avec le service de consultation développé en réaction à la pandémie, l’idée est aussi d’offrir aux entreprises notre expertise sur la flexibilité en ressources humaines et les nombreux changements qui se vivent en continu sur le marché du travail. On les encourage à devenir meilleures dans qu’elles font, à réinventer la gestion de leurs employés pour les rendre plus impliqués, plus épanouis et plus attachés à la compagnie. On encourage également l’échange des meilleures pratiques entre compagnies grâce, entre autres, à notre plateforme, qui est pour les employeurs une vitrine de démonstration de la façon dont elles pourraient améliorer leur modèle et la gestion de leurs talents. 

La flexibilité est le cœur de notre expertise chez Flow et notre rôle est de la partager en transmettant les bons outils et les bonnes pratiques.

On aide les entreprises à briller et à mieux fonctionner, le meilleur des deux mondes finalement!  

 

4 – Quelles sont les besoins des entreprises et des talents qui font appel à Flow ? 

Depuis le début de la pandémie en 2020, de nombreuses entreprises ont eu une réelle prise de conscience sur l’évolution des environnements de travail. Elles ont compris que la flexibilité devenait une nécessité pour faire avec les nouvelles réalités et je remarque que généralement deux types d’entreprises nous contactent. 

– D’abord, il y a des petites entreprises qui n’ont personne dédié aux RH en interne et qui comprennent qu’avec l’importance grandissante accordée à l’humain au travail, cela ne pouvait plus fonctionner. La rétention des talents est devenue capitale et pour progresser là-dessus, il n’est plus possible de se passer d’un service RH. Flow est donc devenu l’équipe de RH volante de certaines organisations : on les aide à se structurer, à instaurer les bases et les bonnes pratiques RH en interne et on est le contact pour leurs équipes. 

– Ensuite, de plus grandes entreprises s’adressent aussi à nous : elles ont déjà un service RH dédié mais elles ont besoin d’idées pour gagner en flexibilité. Ces organisations comprennent que le service RH qu’elles voyaient plus comme un centre de coût est devenu essentiel pour faire qu’employeurs et employés s’entendent mieux, travaillent en confiance et en harmonie. Avec la pénurie de main d’oeuvre, il est devenu indispensable de se doter d’avantages flexibles compétitifs sur le marché pour assurer la rétention des talents. Nous sommes là pour leur donner un guide des meilleures pratiques et les aider à offrir une agilité adaptable à toutes et à tous. 

Du côté des travailleurs avec lesquels nous avons échangé, ils voient la plateforme Flow comme un outil super pratique pour trouver le job qui convient avec leur mode de vie. Et ce que je constate, c’est qu’ils ont envie d’encore plus de flexibilité, que la tendance flexible s’accélère, que ce tabou soit définitivement levé avec les employeurs. Lorsqu’ils recherchent un emploi, ils veulent connaître plus de détails : le contenu du poste, l’image de marque, les mesures flexibles, la réputation de l’entreprise, les avantages sociaux, la personnalité des gestionnaires, etc. Le fait est que le rapport de force s’est inversé avec la transformation culturelle du marché de l’emploi et la pénurie de main d’œuvre. Les candidats ont le choix. 

Chez Flow, on invite ainsi les talents à déterminer leur propre flexibilité.

Chez Flow, on invite ainsi les talents à déterminer leur propre flexibilité à se responsabiliser pour voir ce qu’ils sont prêts à offrir et à prendre pour leur part, afin de choisir l’entreprise qui leur permettra d’avancer dans la direction souhaitée. 

 5 – Sur quoi est-ce que tu bosses en ce moment ? 

 En ce moment, on travaille fort sur l’amélioration de notre plateforme pour faciliter encore plus l’interaction entre employeurs et candidats. Comme le marché du travail change, la façon de recruter est également en mouvement. Avec mon équipe nous travaillons sur un projet pour transformer l’accès employeurs-travailleurs, en sortant des procédés classiques pour renouveler la communication entre eux. 

On travaille aussi beaucoup sur notre service de consultation (en particulier notre offre RH Flexibles), de manière à améliorer nos processus et faire en sorte d’assurer le succès des entreprises qui nous font confiance. 

6 – Quelle est ta plus grande récompense ? 

 Ma récompense, c’est avant tout de voir que mon équipe se sent bien. Je suis chanceuse d’avoir une petite équipe solide et responsable, en qui j’ai 100 % confiance, et de me dire que je suis capable de créer les conditions de bien-être au travail dans ma propre organisation, comme je cherche aussi à le faire dans les autres entreprises du Québec. C’est une grande satisfaction au quotidien.  

 L’une de mes autres grandes récompenses est de voir que la transformation du marché du travail avance aussi vite et que nous participons de manière active à ces changements pour l’avenir.

Je suis heureuse que Flow ait la capacité de faire une différence auprès des employeurs et des employés.

Cela augmente mon bonheur et je voudrais que tout aille encore plus vite! Je vis de belles périodes d’exaltation, je peux déléguer, maintenir mes passions, et je récolte aujourd’hui les impacts positifs de mes précédentes décisions. Je réalise bien la chance que j’ai et je vis ma best life ! 

7 – Comment vois-tu l’avenir ? 

Je choisirais trois mots pour définir l’avenir du travail : flexibilité – évidemment – , humanité et apprentissages. 

Je pense que l’on va vers du mieux dans le monde du travail et que les entreprises ont réellement envie d’être meilleures dans la gestion de leurs talents. Ce qui est indéniable, c’est que les organisations qui s’y préparent ont déjà une longueur d’avance. On ne reviendra pas au modèle pré-pandémique, ainsi plus on est conscient des changements qui s’opèrent, plus on est pertinent dans son développement et son évolution. Pour cette raison, je souhaite qu’on travaille avec encore plus d’entreprises pour les accompagner dans l’amélioration de leur modèle de ressources humaines. Aussi, je vois la plateforme de Flow se développer et notre objectif est de rassembler de plus en plus d’entreprises flexibles au Québec, pour que toutes et tous puissent bénéficier de la flexibilité dans leur conciliation travail-vie personnelle.

Faire partie du changement, c’est motivant. 💛