Flow d'idées : Marie-Michèle Larivée, Consultante en tendances


Aujourd’hui, Flow va à la rencontre de Marie-Michèle Larivée, Consultante en tendances. Marie-Michèle suit de près l’évolution et les changements sociétaux en la traduisant en esthétique (couleurs, style, textiles) et passe du temps à expliquer ce qui s’en vient. Elle est spécialisée dans les mentalités émergentes, la culture des jeunes (Gen Z et Y) et l’alignement des stratégies aux tendances. Elle est également chargée de cours à l’université du Québec à Montréal (ESM ESG-UQAM) et experte citée dans de nombreuses publications.

Elle partage avec Flow sa vision des transformations du monde du travail. Une belle inspiration !

Avec le recul que nous avons aujourd’hui, comment  le monde du travail a-t-il évolué selon vous avec la pandémie ? 

Je dois avouer que je suis de ceux qui voient certains impacts de la pandémie d’un œil positif. La Covid-19 a accéléré certaines tendances en particulier qui étaient latentes dans la société. Plusieurs entreprises ont pris ce moment pour vraiment penser à leurs stratégies et leurs valeurs. C’est comme si le temps s’était arrêté pour donner l’occasion à la société hyperactive et hyper fonctionnelle de s’adapter, de rattraper les avancements technologiques. Pour citer Li Edelkoort: « Coronavirus offers a blank page for a new beginning« .

Sans mettre des lunettes roses, la pandémie a remis certaines pendules à l’heure et certaines valeurs de l’avant en termes de temps, d’énergie, de visibilité et d’espace mental et physique.  

Que souhaitez-vous pour le futur du travail dans votre domaine d’activité? 

Encore plus de collaboration, de co-création et d’initiatives positives.  Je contribue à des unités de veille tendances et de recherche en innovation qui sont à l’extérieur du Canada. Ces échanges sont une vraie mine d’or. Même dans le monde pré-pandémie les échanges se faisaient déjà sur les plateformes d’échanges en lignes : Slack, podio, etc.

Aux quatre coins du monde, on s’inspire les uns les autres à aller plus loin dans nos recherches et dans notre quête de la solution la plus adaptée. Pour le futur, j’espère justement encore plus d’échanges, de collaborations possibles au-delà des frontières et des différences. Les modèles open source et l’éducation accessible pour tous, c’est mon souhait.   

Selon vous, l’évolution des modes de travail change-t-elle aussi le coeur de nos centres-villes comme à Montréal ? 

L’exil express de la ville a été très réactionnel suite aux annonces du confinement et la fermeture des régions. Avant la pandémie, les prédictions ne cessaient  de tabler sur l’augmentation du nombre d’habitants en zone urbaine. Mais je pense que la ville a toujours été un lieu de rassemblement où les idées bouillonnent. L’idée de villes qui rassemblent et constituent un point central pour la rencontre des esprits reste encore aujourd’hui. 

Le centre-ville, c’est comme un hub de collaboration ! 

Un équilibre entre le réactionnel et le long terme est en train de s’opérer. Un des irritants de la ville qui commence à prendre de plus en plus de place  est le bruit. Les appels visioconférence et le dérangement mental de ce bruit a été accentué par le silence vécu au printemps 2020. Dans les prochaines années, on pourrait voir justement des initiatives de réduction de bruit et de centre de partage. Les villes restent le poumon d’un pays, une zone centrale où créer, échanger. 

Voit-on aujourd’hui un nouveau style de leadership émerger dans les entreprises ?  

Le monde du travail a beaucoup critiqué les millenials (millénariaux) avec l’engouement vers les bureaux ouverts et l’assouplissement de la vision de la hiérarchie en entreprise. La pandémie a démontré le besoin d’assouplir non pas seulement la façon dont les bureaux sont positionnés, mais la vision de la productivité. Le cadre, les gestionnaires qui font respecter le 9 à 5 et la pression immense avec les enfants en fond d’écran pèsent sur la santé mentale des employés. Les discussions du changement de type de leadership vers un  leadership empathique  et flexible avaient déjà été engagées avant la pandémie, mais encore une fois, les mouvements ont été accélérés.  

On peut le voir également dans l’habit de travail, on a pu percevoir un assouplissement dans les attentes et le standard. La mode est un miroir de la société, il est donc normal que les premières réactions y soient passées.

On s’habille tous les jours, par contre, on ne change pas de leadership tous les jours.  

Que peut-on espérer pour l’avenir au bureau ? 

Dernièrement, j’ai eu une conversation sur l’avenir des espaces de coworking. Aujourd’hui, je pense que ce modèle d’affaires doit encore redoubler de flexibilité. Un élément important est également le confort : après avoir goûté au confort de la maison, c’est très difficile de retourner dans la routine et le cadre strict du travail. Nous avons enfin revisité des stéréotypes et des bases qui étaient établis depuis plus de 50 ans et qui ne convenaient plus à la société plus fluide d’aujourd’hui. Repasser sous la lentille les organisations de travail développées sur le modèle de la chaîne de production industrielle, c’est ce que la pandémie de la Covid-19 a pu amener ; une numérisation interne des routines de travail : métro, boulot, dodo, cadre stricte, loin de la famille, 9 à 5.  

La routine du commuting était pour plusieurs un temps et un espace personnel pour récapituler sur sa journée et ses émotions. Plusieurs initiatives de routine en réalité virtuelle ont vu le jour pour permettre un certain cadre et donner un rythme aux journées. Beaucoup d’attention est aussi donnée présentement sur les rythmes ou cycles présents dans une journée, un mois, une année pour un travailleur.  

Plusieurs ne reviendront jamais en travail en présentiel et d’autres à temps partiel. On peut déjà extrapoler des changements majeurs à l’intérieur des domiciles avec des aires de repos mentales, des espaces flexibles, insonoriser et imaginer la part (visuelle, monétaire, d’espace) des employeurs dans l’espace intérieur d’une demeure. 

Comment abordez-vous ces transformations actuelles ?   

Depuis deux ans, nous avons multiplié les opportunités de collaboration, d’optimisation, les changements dans la société et dans les milieux de travail. Ces signaux faibles du futur nous indique le chemin à venir, on ne peut essayer de les confiner. Et je vois ces transformations d’un œil positif ! On ne peut pas contrôler le temps ni les changements de mentalités qui s’opèrent. L’impact de ses changements pourra être perçu sur le long terme et cela deviendra la nouvelle norme. D’ici là, on ne peut qu’embarquer, y trouver son bonheur et profiter de la balade !